Antonio Rosmini

 

Maximes de Perfection Chrétienne[1]

communes à tous les Chrétiens[2]

 

traduit de l’italien par Marie-Catherine Bergey Trigeaud

 

 

 

 

 

Conseils pour tirer profit de la lecture de ce livret

 

Votre Maître est un, disait Jésus (Mt, 23, 10).

Tout d'abord, le disciple se met au pied de son divin Maître, de telle sorte que, lisant avec son cœur, il lui semble entendre Sa voix.

Il commence par le signe de la Croix et l’oraison dominicale[3].

Ensuite, il aborde la lecture, en prenant soin de deux choses :

- de s'appliquer à bien comprendre le sens de cette lecture ;

- de la méditer pour en apprécier la saveur.

Et, pour finir, tout en se promettant de conserver en lui ce qu'il vient d’apprendre, il rend grâce et récite la salutation angélique[4].

 

 

Leçon I

Sur la vie parfaite en général

 

 

1. Tous les Chrétiens, c’est-à-dire tous les disciples de Jésus, quel que soit leur état ou leur condition, sont appelés à la perfection. Tous sont appelés à l’Évangile, qui est loi de perfection, et c'est à tous également que  le divin Maître dit ceci : « Soyez parfaits comme est parfait votre Père céleste» (Mt. 5, 48).

 

2. La perfection de l’Évangile consiste en la parfaite exécution du double précepte de l’amour de Dieu et du prochain. C’est pourquoi le désir et la force du Chrétien qui s’en remet entièrement à Dieu en toutes les affections et tous les actes  de sa vie, autant qu’il lui soit possible en ce monde, reposent sur ce qui suit : « Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit », et «Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt, 22, 37, 39).

 

3. Pour parvenir à cette perfection d’amour à laquelle il doit tendre, le disciple de Jésus-Christ dispose de trois moyens fort utiles, la pratique d'une pauvreté authentique, de la chasteté et de l'obéissance. Toutefois, ce ne sont pas là des préceptes pour tous, mais uniquement des conseils tirés de l’Évangile, destinés à extirper du cœur et de l’esprit toute entrave qui l'empêcherait d’aimer pleinement Dieu et son prochain.

 

4. La pratique de ces trois conseils évangéliques forme ce que l’on appelle perfection religieuse. Elle  n’est pas commune à tous les Chrétiens, mais elle est seulement le propre des généreux disciples de Jésus, qui se privent de façon effective des richesses et des plaisirs, et qui renoncent à leur volonté propre, afin d’être plus libres de donner tout leur amour à Dieu et à leur prochain.

 

5. Le religieux, c’est-à-dire celui qui fait profession des trois conseils évangéliques de pauvreté, de  chasteté et d’obéissance, doit ordonner ces trois moyens à la perfection de l’amour, à quoi sont tout aussi également appelés ses frères, les autres Chrétiens.

 

6. Ensuite, celui qui ne fait pas profession des conseils évangéliques, mais qui aspire pourtant à la perfection du divin amour auquel il est voué dès le baptême, doit bien se garder de négliger la pratique de ces conseils évangéliques, comme le dit saint Thomas. Mieux encore, il les tiendra pour les meilleurs, les aimera, et désirera pour lui-même cette âme généreuse et cette intelligence spirituelle de la vérité, qui pousse l’homme à mettre en œuvre les moyens les plus aptes à libérer son cœur des soucis et des entraves qui l’empêcheraient d’aimer Dieu de tout son esprit et de toutes ses forces dans la charité.

Il peut arriver cependant que celui qui vit dans la vie commune soit parfois tenté de moins faire cas de ces divins conseils, par une secrète suggestion de l’amour propre de nature à l'empêcher de reconnaître en soi une générosité inférieure à celle d’autrui.

Il doit alors se rappeler que c’est seulement avec humilité (laquelle le conduit justement à conserver une basse opinion de lui-même, convaincu d'occuper, dans le Règne de Dieu, l'état le moins noble de l'état religieux), qu’il plaira pleinement à Dieu, et complètera ainsi ce qui lui manque de générosité et d’intelligence spirituelle.

 

7. La charité parfaite, en laquelle consiste la perfection de tout Chrétien, porte l’homme vers son Créateur. Elle peut se définir comme la consécration entière et le sacrifice total que l’homme fait à Dieu de soi-même, à l’imitation de Jésus Christ. Par cette consécration, il s’engage à n’avoir d’autre but ultime en tous ses actes que le culte de Dieu, de ne faire d’autre profession, et de ne rechercher d’autre bien ou plaisir sur la terre qui ne puisse  plaire à Dieu et le servir.

 

8. Par conséquent, le Chrétien authentique qui désire parvenir à cette perfection à laquelle il est appelé, doit toujours se proposer de suivre, dans toutes les opérations de sa vie, ce qu’il croit le plus cher à son Dieu et le plus conforme à Sa gloire et à Sa volonté.

 

9. Et, pour connaître ce qui, dans la conduite de sa vie, est le plus conforme à la divine volonté, il doit toujours avoir devant ses yeux son divin Maître, et en méditer l’esprit et les célestes enseignements.

 

10. Et ces enseignements tiennent en deux points, qui résument l’Évangile et qui sont les suivants :

 

I. - La fin que tout Chrétien doit garder présente à l’esprit avec la simplicité de la colombe, afin de s’en    former l’idée la plus claire et la plus distincte.

 

II.-  Les moyens pour la mettre en oeuvre, avec la prudence du serpent.

 

Il convient donc à présent de méditer six maximes fondamentales, dont les trois premières se rapportent à la fin, et les trois autres aux moyens.

 

1. - Désirer uniquement et infiniment plaire à Dieu, ce qui signifie être juste.

 

2. - Dédier toutes ses propres pensées et tous ses  actes au développement et à la gloire de l’Église de Jésus Christ.

 

3. - Demeurer dans une parfaite tranquillité en tout ce qui advient par divine disposition dans l’Église, tout en œuvrant pour elle selon le divin appel.

 

4. - S’abandonner entièrement à la divine Providence.

 

5. - Reconnaître en soi son propre néant.

 

6. - Disposer toutes les occupations de sa vie avec l’esprit d’intelligence.

 

 Ces six maximes formeront l'argument des six leçons suivantes.

 

 

 

 

Leçon II

Première maxime 

 Désirer uniquement et infiniment plaire à Dieu, c'est-à-dire être juste

 

1. Celui qui aime Dieu comme le prescrit l’Évangile, c'est-à-dire « de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit », ne pouvant donner nul bien à Dieu, parce que Dieu les a tous, désirera au moins être juste envers lui, en reconnaissant Sa perfection infinie, et en lui témoignant, en tous ses actes, le plus d'obéissance, de soumission et d'adoration possible : en autre terme, il désirera uniquement et infiniment la gloire de Dieu.

Et parce que la sainteté de l’homme consiste en le respect qu'on éprouve pour Dieu et la gloire qu'on lui rend, la  perfection du christianisme implique la disposition à obtenir la plus grande sainteté possible.

 

2. Le plus grand hommage que l’homme puisse rendre à Dieu consiste en la soumission de sa propre volonté à la Sienne, dans l'unique désir de la meilleure conformité possible de son vouloir propre au vouloir Divin. Dès lors, l’homme est disposé immédiatement à préférer tout ce qui plait à Dieu à tout autre chose, n’aimant rien d’autre que de Lui être le plus cher ; c’est là l’unique bien qu’il sollicite à chaque instant.

 

3. Et comme ce qui est cher à Dieu est la justice, il convient que le Chrétien demande incessamment d'être toujours plus juste et toujours meilleur. De cette justice, il sera insatiable et insatisfait, et plus il l'implorera, plus il aura la certitude d’être ainsi encore plus cher à Dieu, assuré de trouver le réconfort dans ces mots : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés » (Mt. 5, 6).

Tout doit se ramener en effet, pour celui qui professe la religion Chrétienne, à cet unique désir  : devenir toujours plus juste et pratiquer cette justice sans mesure et sans limite ; ainsi, il sera un avec Jésus, comme Jésus est un avec son Père.

Qu’il soit donc insatiable, sans jamais craindre de l’être trop. Qu'il lui suffise, pour être comblé, de penser à l’infinie bonté du divin Père, et à Ses innombrables et plus qu’inépuisables richesses spirituelles. Dieu saura toujours comment les lui accorder, et cela, d’autant plus que l’homme en sera insatiable. Jésus s'en est porté garant : « Ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera» (Jn, 16, 23).

Et Jésus nous y incite par cet exemple : quelle que soit cette justice que l’on demande au Père, le Christ l’a déjà sollicitée pour lui-même, dans une prière qui ne pouvait pas ne pas être exaucée et c'est sur la justice obtenue par cette prière que le Christ a fondé son Église, laquelle ne peut périr.

 

4. Et voici la prière de Jésus, qui encourage le disciple qui désire devenir plus juste, à supplier le Père  : «  Je ne te prie pas seulement pour eux (il désignait ses disciples les Apôtres), mais pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi : afin que tous soient un comme Toi, Père, tu es en moi et moi en toi, et afin qu’eux aussi soient en nous pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la certitude glorieuse que tu m’as donnée afin qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi, afin qu’il soient parfaits dans l’unité et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn, 17, 20-23).

 

5. Il se peut alors que le disciple qui désire tant la justice se consume dans la charité, de telle sorte que, comme le dit Paul, «  ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga, 2, 19).

 

6. Mais ce désir de justice, sans mesure et sans limite, doit demeurer le plus pur et le plus simple, et, pour l'obtenir, l'on doit se concentrer en soi intensément et sans cesse, en soustrayant son esprit de toutes les choses extérieures. Et ainsi concentré en soi-même, l'on doit inlassablement demander la même chose, en se souvenant de ces paroles : « Veillez donc et priez en tout temps » (Lc, 21, 36).

L'on entretient cette tension de l'esprit en examinant inlassablement  si ce désir est vraiment simple et sincère, afin de ne rien aimer d’autre que d’être meilleur et plus juste, et donc plus cher à Dieu.

 

7. De plus, le Chrétien n’a nul besoin de se troubler ou encore de s’appesantir sur les choses extérieures qui retentissent en lui. Il doit seulement s’appliquer à se concentrer en son cœur afin d'entretenir sans relâche le désir d’une justice toute pure, jusqu’à parvenir à ne rien vouloir d'autre sur la terre qui ne soit dans l’ordre de la justice, ce qui est le plus précieux à Dieu.

 

8. Pour parvenir à cette fin, il faut comprendre, et ce n’est guère facile, comment à ce désir de justice pure, tous les autres doivent être subordonnés. Et puisque le libre désir d’une chose quelconque doit uniquement répondre à ce critère, l’on ne peut avoir de désir pour une chose quelconque que si cette chose est conforme en tout point à la justice et rend plus juste, et non si cette chose a une autre valeur.

 

9. Et puisque la justice parfaite provient immédiatement de Dieu, et non d'autre que Lui, l’on ne doit éprouver de l’attrait pour aucune chose que celle dont on sait qu’elle est le moyen choisi par Dieu pour sa sanctification. Il faut se méfier en effet, et peu en sont capables, de ce sur quoi portent nos attraits secrets. Au contraire, l’on doit être assuré que toute chose dans la main de Dieu devient un  instrument ordonné à sa fin. C’est que le Seigneur se plaît souvent à montrer sa puissance en adaptant tel instrument à sa fin, et cela, même en ce qui, par nature, nous paraîtrait le moins adapté. C’est pourquoi l’homme ne doit juger de rien, avant que Dieu lui ait manifesté sa volonté en sa manière de disposer des choses humaines.

 

10. Pour conclure, celui qui désire infiniment plaire à Dieu, désirera les vrais biens, puisque pour Lui être cher, il est nécessaire qu’il les désire. Car, en un tel désir, se rassemblent tous les biens désirables possibles. Et, de plus, celui qui éprouve un si grand désir désirera implicitement le salut de tous ses frères de cette façon qui est si chère à Dieu, et qui est tout autant voulue par Lui.

 

 

 

 

Leçon III

Seconde maxime

 Vouer toutes ses pensées et tous ses actes

 à l’accroissement et à la gloire de l’Église de Jésus Christ

 

 

1. Le premier désir qui, dans le cœur d’un Chrétien, est issu de celui, supérieur, de la justice, est celui de l’accroissement et la gloire de l’Église de Jésus Christ.

En effet, celui désire la justice, désire la gloire de Dieu, et désire donc tout ce qui est cher à Dieu. Or le Chrétien sait par sa foi que tout ce qui plaît à Dieu repose sur son Fils unique Jésus Christ ; il sait aussi que tout ce qui plaît au Fils unique Jésus Christ repose sur ses fidèles, qui forment son règne.

 

2. Le Chrétien ne peut alors se tromper lorsqu’il fait de la Sainte Église toute entière  l’objet de ses pensées, de ses désirs et de ses actes, puisqu’il sait avec certitude que la volonté de Dieu est que l’Église du Christ soit le moyen le plus achevé pour rendre pleinement gloire à son nom.

 

3. Le Chrétien peut éprouver le doute au sujet d’une chose particulière en se demandant si Dieu veut, en telle manière ou en telle autre, faire de cette chose un instrument de sa gloire. Mais en ce qui concerne toute l’Église de Jésus Christ, il ne peut avoir de doute parce qu’il est certain qu’elle est conçue comme l’instrument et le moyen par lequel Il est glorifié avant toutes les créatures intelligentes.

 

4. Et puisqu'il ne peut avoir autant de certitude lorsqu'il s’agit seulement d’une partie non essentielle au grand corps de la sainte Église, le Chrétien doit  s’attacher à l’Église toute entière, l'épouse immaculée de Jésus Christ, et non à ce qui pourrait n’en former qu’une partie, et que Dieu ne lui aurait pas révélé de façon persistante et authentique comme lui appartenant. Autrement dit, il ne doit aimer de façon totale et inconditionnelle aucune chose particulière, même si, considérée en soi, elle lui semble être un moyen de la gloire de Dieu : qui peut dire en effet, que Dieu, dont les voies sont cachées aux yeux et à l'esprit de l'homme, n'a pas rejeté de lui cet instrument?

Mais lorsqu’il s’agit de l’Église toute entière, il n’y a plus aucun doute, Dieu l’a élue comme instrument de sa gloire, sans aucune possibilité de regret au cours de son interminable éternité.

Par conséquent, celui qui désire poursuivre sa vocation sur le chemin de la perfection, ne doit rien faire d'autre que de rechercher en toute chose la gloire de Jésus Christ : son engagement consistera nécessairement à employer toutes ses forces à servir uniquement son Église. De toutes les manières possibles, il doit penser à elle, et  désirer lui consacrer tout son être,  jusqu’à même verser son sang pour elle, à l’imitation de Jésus-Christ et des martyrs.

 

5. La sainte Église de Jésus Christ se divise en trois parties :  l’une, dont le cours s’accomplit ici-bas, une autre, et qui en est le terme, dans le ciel, et la troisième,  transitoire, dans le purgatoire. Ces trois parties  dureront tant que durera la terre, et, à la fin du monde, l’Église triomphera éternellement. Elles sont toutes trois instruments de la gloire de Dieu en Jésus Christ, c'est Lui qui en est le chef et qui la gouverne. Toutes les trois doivent être aimées en Jésus Christ par tout Chrétien qui, en  tant que membre d'une société aussi élevée, va jusqu’à désirer leur offrir sa sueur et son sang.

 

6. Il sait aussi par la parole de Jésus que l’Église qui s’accomplit ici-bas, est fondée sur une pierre contre laquelle ne peuvent rien les forces de l’enfer, parce que placée sous l’autorité de l’Apôtre Pierre et de ses successeurs, les souverains vicaires de Jésus Christ sur la terre.

Sachant alors par la divine révélation que ce siège fut érigé par la bienveillance du divin fondateur de telle sorte que l’Église ne puisse jamais décroître, l’on peut dire qu’ainsi faite par élection, elle est devenue la partie essentielle de l’Église de Jésus Christ, alors que les autres parties d’elle-même ne peuvent être considérées que comme accidentelles, puisqu’il n’a pas été donné de promesse infaillible que, chacune prise en sa singularité, elles ne doivent disparaître un jour.

C’est alors que le Chrétien devra nourrir une affection,  un attachement et un respect sans limite pour le Saint Siège du Pontife romain ; et sans limite aussi, il devra aimer et proclamer la gloire sainte, vraie, noble et florissante de cette partie si essentielle de l’Église, l'Épouse du Christ.

 

7. Et en ce qui revient à cette portion de la Sainte Église qui est déjà parvenue à son terme, le Chrétien fidèle devra sans cesse la contempler comme cette partie qui a désormais atteint le développement le plus accompli et la beauté la plus parfaite.

De la même façon, il ne doit cesser d’augmenter en lui le désir que tous les membres de l’Église, en tant qu' élus et prédestinés à cette fin depuis l'éternité, parviennent à cette perfection consommée. Alors adviendra le règne de Jésus Christ, qui rassemblera tout autour de lui, dans le triomphe de sa gloire pour tous les siècles des siècles.

Et puisqu'il s'agit ici de l'agrément de la divine volonté, dans lequel Dieu lui-même se complet de toute éternité, ce doit être l'unique fin des désirs du Chrétien, étant la fin selon la volonté de Dieu.

 

8. Mais cette fin ne peut s'accomplir, sans que d’abord ne périssent toutes les choses de la terre, sans que l'homme ne meure et que son corps ne devienne poussière, sans que tout l’univers soit détruit et jugé.

C'est ce que Chrétien doit même désirer, parce qu’il sait que c’est le moyen établi par Dieu pour que se réalise la plénitude de la gloire divine et le triomphe de Jésus Christ.

Et comme il doit garder présente à l’esprit la gloire divine, il doit aussi maintenir présente en son esprit la caducité de toute chose, leur caractère transitoire, et la mort, qui procure l’ultime repos céleste.

 

9. Alors, il marchera en cette vie comme si, à tout moment, il devait tout abandonner, comme si, à tout instant, il devait mourir, sans faire de projet à long terme, mais en gardant en son cœur ces paroles du Seigneur : « Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, pour lui ouvrir dès qu’il viendra et qu’il frappera. Heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller! En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table, et, passant de l’un à l’autre, il les servira. Qu’il vienne à la deuxième ou à la troisième veille, s’il trouve les choses ainsi, heureux sont-ils ! Comprenez bien ceci : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur devait venir, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’Homme va venir » (Lc, 12, 35-40).

 

 

 

 

Leçon IV

Troisième maxime 

Demeurer en une parfaite tranquillité pour tout ce qui advient dans l’Église de Jésus Christ par divine disposition,

tout en oeuvrant pour elle selon le divin appel

 

 

1. Jésus Christ a pouvoir sur toute chose, sur la terre comme au ciel : Il est le Seigneur de tous les hommes, Lui seule règle tous les événements avec sagesse, puissance et bonté incommensurables, selon sa divine prescription, pour le plus grand bien de ses élus qui forme sa chère épouse, l’Église.

 

2. Le Chrétien doit alors jouir d’une parfaite tranquillité, et conserver une joie complète, en se reposant entièrement sur son Seigneur, pour tous les événements qui semblent contraire au bien de la Sainte Église. Il peut toutefois se lamenter et supplier qu’advienne Sa volonté sur la terre comme au ciel, c’est-à-dire que les hommes pratiquent sa sainte loi de charité sur la  terre comme le font les Saints dans le ciel.

 

3. Il doit aussi bannir de son cœur toute inquiétude, toute anxiété, toute sollicitude, même celle qui lui paraît avoir pour but le bien de l’Église de Jésus. Et, surtout, il doit s'interdire de se flatter avec témérité d'être capable de porter lui-même remède à tous maux, avant d’avoir discerné comment se manifeste la volonté de Dieu à ce sujet.

Il doit enfin toujours se souvenir que c’est Jésus Christ seul qui gouverne son Église, et qu’il n’est rien qui lui déplaise le plus, et qu’il trouve le plus indigne de ses disciples, que la témérité de ceux qui, dominés par la cécité de l’esprit et un orgueil caché, et sans avoir été appelés par Lui pour se voir confier cette tâche, présument de faire spontanément quelque bien, même le plus infime, en faveur de l’Église : le divin Rédempteur n’a en effet nul besoin de leur misérable collaboration, ni d'ailleurs de quoique que ce soit de quiconque.

Car rien n’est nécessaire au Rédempteur pour la glorification de son Église, qui consiste en la libération de la servitude du péché, dans laquelle se trouve tout homme. Et c’est seulement par sa miséricorde toute gratuite qu’Il choisit, parmi les rachetés, ceux qu'il Lui plait d’élever à un tel honneur, préférant d’habitude pour les œuvres les plus grandes, celui qui est le plus faible et le plus déprécié aux yeux du monde.

 

4. Pour conclure, en résumant ce que nous venons de dire sur la fin que le Chrétien doit préférer et avoir toujours présent en toutes ses actions, nous pouvons dire que cette fin doit être :

 

I - la justice qui est aussi sainteté, en quoi consiste la gloire de Dieu ;

 

II - l’Église de Jésus Christ, comme moyen établi par Dieu pour parvenir à cette gloire ;

 

III - l’appel de Jésus Christ, qui gouverne l’Église en sagesse selon son bon vouloir, afin qu’elle apporte à Dieu la plus grande gloire.

 

C'est ainsi que, après avoir purifié ses intentions de cette manière et s'être proposé les fins évoquées plus haut pour diriger tous les actes de sa vie, celui qui veut suivre  Jésus Christ doit aussi connaître et établir les moyens qui lui permettront d'atteindre le but désiré ; ce qu’il trouvera en dirigeant sa conduite selon les trois maximes qui font le sujet des leçons suivantes.

 

 

 

 

Leçon V

Quatrième maxime 

S’abandonner totalement à la divine Providence

 

 

 

1. Il n’y a peut-être aucune autre maxime qui, plus que celle-ci, puisse procurer la paix du cœur et l’équilibre de la vie du Chrétien.

 

2. Et il n’y en existe aucune autre qui, pratiquée avec simplicité et générosité de cœur, rende le disciple de Jésus Christ plus cher au Père céleste. Cette maxime  requiert en effet une entière confiance en Lui, et une confiance en Lui seul ; un complet détachement de toutes les choses de la terre, aimées, puissantes ou illustres en apparence et un amour réservé à Dieu seul ; la foi la plus vive, qui tient pour indubitable que toutes les choses en ce monde, les petites comme les grandes, ont le même poids dans la main de Dieu, et que rien ne se fait autrement que comme Il l'a disposée, selon le déroulement de ses desseins les plus élevés ; une foi  dans la bonté infinie, la miséricorde, la générosité de ce Père céleste, qui dispose tout pour le bien de ceux qui placent leur confiance en Lui, si bien que ses biens et ses grâces sont prodigués avec une sollicitude pleine de finesse à la mesure de la confiance que mettent en Lui ses fils bien-aimés.

 

3. Aucune autre maxime n'a été plus recommandée par notre divin Maître que celle-ci, à la fois par la parole et par l’exemple, comme en témoigne le discours fait à ses disciples pour les réconforter dans les persécutions auxquelles ils devront être soumis du fait des hommes :

« Je vous le dis à vous, mes amis : ne craignez rien de ceux qui tuent le corps et après cela ne peuvent rien faire de plus. Je vais vous montrer qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne ; oui, je vous le dis, celui-là, craignez-le. Ne vend-on pas cinq passereaux pour deux as ? Et pas un d’entre eux n’est en oubli devant Dieu ! Bien plus, vos cheveux même sont tous comptés. Soyez sans crainte ; vous valez mieux qu’une multitude de passereaux…

« Voilà pourquoi je vous dis : ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. Car la vie est plus que la nourriture et le corps, plus que le vêtement. Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier, et Dieu les nourrit. Combien plus  valez-vous que les oiseaux ! Qui d’entre vous d’ailleurs peut, en s’inquiétant, ajouter une coudée à la longueur de sa vie ? Si donc la plus petite chose même passe votre pouvoir, pourquoi vous inquiéter des autres ? Considérez les lys, comme ils ne filent ni ne tissent. Or, je vous le dis, Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. Que si, dans les champs, Dieu habille de la sorte l’herbe qui est aujourd’hui, et demain sera jetée au four, combien plus le fera-t-il pour vous, gens de peu de foi ! Vous non plus, ne cherchez pas ce que vous mangerez et ce que vous boirez ; ne vous tourmentez pas. Car ce sont là toutes choses dont les païens de ce monde sont en quête ; mais votre Père sait que vous en avez besoin. Aussi bien, cherchez son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît.

« Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume.

« Vendez vos biens, et donnez-les en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, où ni voleur n’approche ni mite ne détruit. Car là est votre trésor, là sera votre cœur» (Lc, 12, 4-7, 22-34).

 

4. Comme il est achevé cet enseignement du divin Maître sur la façon dont son fidèle disciple doit s’abandonner dans les bras de la Providence !

 

5. Car, en premier lieu, le disciple apprendra de Lui que le fondement de sa confiance est total et illimité : Jésus Christ lui-même affirme que ceux qui reçoivent ses paroles sont ses amis. Et que par amis, ne s’entendent pas seulement ceux qui sont parfaits, mais tous les Chrétiens, et parmi eux, les pécheurs : en effet, Il appelle ses amis ceux à qui Il a manifesté l’Évangile, dans lequel chacun doit trouver le réconforter en pensant que ce nom d'ami, il ne l'a même pas refusé à Juda, venu pourtant à Lui pour le trahir. Dès lors, pour que d'autres croient en Jésus, il trouve en l’objet de sa croyance le fondement d’une confiance infinie dans le Père céleste, confiance que la faute même ne doit altérer.

 

6. En second lieu, le disciple apprendra encore qu’autant il est raisonnable de s’abandonner entièrement dans les mains de la divine bonté, autant il l’est peu de se fier à soi-même. L’homme est faible, et ne peut changer la plus petite partie du cours que Dieu a assigné à toutes les choses de l’univers : sa prospérité comme son existence sont entre les mains de Dieu, et quoi que l'on fasse, où que l'on se trouve, que l’on puisse atteindre le ciel ou se précipiter dans les abîmes, l’on ne peut rien soustraire des divines mains.

 

 

7.  Ensuite, en troisième lieu, le disciple comprendra qu’avec tant de raisons de nourrir une confiance aussi infinie dans le Père céleste, il ne doit pas craindre d’abandonner toutes les choses humaines, de vendre ses biens pour les pauvres, professant ainsi la pauvreté autant qu'il le peut pour atteindre les choses de Dieu, se dédier à Dieu, rechercher Son règne et Sa justice, débarrasser son cœur de toutes les passions terrestres, en un mot, de suivre le Christ et se lier à la nudité de sa croix et mourant à la terre sur celle-ci, il vivra dans le ciel  : car, là où est son trésor, là est son cœur

 

 

8.  Enfin, en quatrième lieu, le disciple verra que, même s'il doit s'interdire les préoccupations des choses humaines, et qu’il lui soit même conseillé de s’en détacher, il ne lui est pas pour autant défendu de demander le nécessaire au Père céleste, à condition qu’il demande d'abord son règne et sa Justice, en y ordonnant sa requête. Si bien que ce pain quotidien que nous demandons à Dieu, on peut l'entendre aussi dans un sens super substantialis, pour signifier par là qu'il apporte aussi les grâces spirituelles.

 

9.  « Demandez, et vous recevrez » nous dit ailleurs le divin Maître, « cherchez, et vous trouverez, frappez, et l’on vous ouvrira ; qui cherche trouve, à qui frappe l’on ouvrira… » (Mt, 7,7-11).

 

10.  Ce sont ces mots qui doivent encourager le Chrétien à tout demander au Père céleste avec simplicité et confiance, et à Lui confier tous les vœux de son cœur, avec l’unique désir de Lui plaire et à cette condition seule. Il obtiendra ainsi beaucoup de fruits de sa prière, et Dieu l’exaucera toujours : tout en  redressant  son ignorance et sa maladresse s’il demande des choses inutiles ou néfastes, Il lui donnera les vrais biens, et plus même encore qu’il n’a demandé, parce qu’Il est un Père, et qu’Il sait donner de bonnes choses à ces enfants, et jamais de choses nocives.

 

11.  En cinquième lieu, il découvrira qu’il ne lui est pas interdit de pourvoir naturellement à tous les besoins de sa vie. Mais il lui faut s'interdire toute obsession, toute anxiété que ces besoins pourraient engendrer, parce que, le plongeant dans le perpétuel souci de ce qu'il lui manque, ils occupent dans son cœur la place réservée à cette tranquillité propre à ceux qui se reposent en Dieu.

Qu'il se contente plutôt de suivre la volonté divine, et de jouir des biens dont, en toute simplicité, il se doit d'être reconnaissant ; car il doit comprendre qu'est contraire à l’abandon en la divine Providence, le souci constant d'un avenir dans lequel la volonté divine ne s’est pas encore manifestée. La seule chose qu’il peut faire est de jouir avec modération et innocence des biens présents, parce qu’ils sont donnés par Dieu, mais sans s’inquiéter du futur, parce que le Seigneur ne l’a pas encore disposé. Et en aimant Sa volonté, il jouira tout autant de leur privation, si elle survient, que de leur attribution.

 

12.  « Cherchez d’abord son royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain : demain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine » (Mt. 6, 33-34), c'est-à-dire que les tâches auxquelles nous assigne notre conscience, lorsqu'elle pense aux intérêts quotidiens, ne soient pas alourdies des pensées du lendemain.

 

13.  Pour résumer, il a été donné au Chrétien un signe pour vérifier s’il manque de cette confiance absolue en son Père céleste. Ce signe est la faculté d'examiner s'il éprouve en son cœur quelque inquiétude concernant les biens et les maux de ce monde, ou s’il conserve une complète tranquillité et une totale disposition à tout événement ou, encore, si le soin qu’il prend des choses humaines le plonge dans une angoisse ou une souffrance démesurée et si, enfin, tel un homme de peu de foi, il doute et espère tour à tour avec excès, en proie à une perpétuelle instabilité.

 

14.  Sixièmement : on a vu que la perfection de la vie Chrétienne consiste en la ferme proposition de ne vouloir rien d’autre en tous ses actes que ce qui est cher à Dieu et qui dépend de Sa volonté.  La vie parfaite n’est donc que la ferme résolution de faire en sorte que tous ses actes soient les plus aptes possible à servir Dieu. Et même les actes les plus honnêtes accomplis par l’homme dans son intérêt vital, et même aussi la jouissance des dons divins reçus avec une pleine reconnaissance, ne doivent avoir pour fin le bien ou le plaisir du moment, mais uniquement la conviction de faire, en quelque circonstance où l'on se trouve, la chose la plus chère à Dieu, et, de la sorte, la plus parfaite.

 

15.  En un mot, le Chrétien n'effectue jamais rien dans le but d’une satisfaction quelconque, même la plus honnête, mais seulement pour accomplir son devoir et pour être encore plus cher à Dieu.

 

16.  Et c'est ce qui procure la stabilité du Chrétien qui, de fait, n’aime pas les changements : quelle que soit sa condition, humiliante ou méprisable, ou le privant de tout ce qu’aiment ordinairement les hommes, il s'en contente, demeure joyeux et n’admet la pensée d’un changement que s’il sait que ce changement est voulu par Dieu.

Or c'est le propre de l'homme du monde de ne jamais se contenter de l'état dans lequel il se trouve, comme, par exemple, de passer la plupart de son temps à se livrer à une guerre continuelle pour obtenir la place la meilleure. Le Chrétien, à l'inverse, se contente de n'importe quelle place en ce monde, et n'a d'autre souci que de bien accomplir les devoirs assignés à son état. Car toute chose en ce monde, peu importe laquelle, est, pour lui, une occasion de se rendre plus cher encore à ce Dieu qu'il retrouve en toute condition.

 

17.  C’est cette constance et cette invariabilité du disciple, quelle que soit la condition dans laquelle il se trouve, qui  forment des hommes qui connaissent exactement leur état, qui l’aiment et qui savent en assumer tous les effets ; et c'est ce qui convient à l'instabilité des choses humaines et c’est ce que Paul recommande aux Corinthiens : « Que chacun, frère, demeure dans l’état où l’a trouvé l’appel de Dieu. Pour ce qui est des vierges, je n’ai pas d’ordre du Seigneur mais je donne un avis en homme qui, par la miséricorde du Seigneur, est digne de confiance. Je pense donc que c’est une  bonne chose, en raison de la détresse présente, que c’est une bonne chose pour l’homme d’être ainsi. Es-tu lié à une femme ? Ne cherche pas à rompre. N’es-tu pas lié à une femme ? Ne cherche pas de femme. Si cependant tu te maries, tu ne pèches pas ; et si la jeune fille se marie, elle ne pèche pas. Mais ceux-là connaîtront la tribulation dans leur chair, et moi, je voudrais vous l’épargner.

Je vous le dis, frères : le temps se fait court. Que désormais ceux qui ont femme vivent comme s’ils en avaient pas ; ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient pas ; ceux qui sont dans la joie, comme s’ils n’étaient pas dans la joie ; ceux qui achètent, comme s’ils ne possédaient pas ; ceux qui usent de ce monde, comme s’ils n’en usaient pas vraiment. Car elle passe, la figure de ce monde.

Je voudrais vous voir exempts de soucis. » (I Cor, 7, 24-32).

 

18.  Enfin, en septième et dernier lieu, le Chrétien qui applique cette règle à sa conduite, sera disposé avec une égale facilité et un égal contentement à tout changement, lorsque s'y manifeste la divine volonté, ou celle de ses supérieurs comme étant investis de la voix de Dieu. Il conservera et maintiendra son âme en cet état de précieuse indifférence que recommandait tant saint Ignace, et qu’il plaça comme fondement de ses Exercices, c’est-à-dire de toute la vie spirituelle.

 

19.  Cette indifférence est tirée de la proposition qui, non seulement, est de servir Dieu, ce qui est la fin à laquelle sont ordonnées toutes les créatures, mais encore de le servir de la façon dans laquelle Dieu veut être servi par chacun de nous, ce qui constitue le premier moyen qui permet d'obtenir la fin à laquelle chacun est destiné.

 

20. En fait, celui qui désir servir Dieu non pas selon son choix propre, mais selon le mode prescrit et voulu par Lui, parvient à cet état d'indifférence (pour autant qu’il s’agisse de sa libre volonté et non de sa naturelle inclination) à quatre conditions bien distinctes et qui sont les suivantes :

1 - être indifférent à la santé ou à la maladie,

2 - aux richesses comme aux misères de la vie,

3 - aux honneurs ou au mépris du monde,

4 - à une vie longue ou  brève, ou que l’on veut abréger sous le poids de la peine ou de la souffrance.

 

21. Et par l’examen fréquent que fera de lui-même le disciple du Christ pour savoir s’il se trouve vraiment indifférent à la pauvreté et à la richesse, aux honneurs ou au mépris, à la santé ou à la maladie, à la longueur ou la brièveté de la vie, il découvrira le chemin parcouru dans la voie de la perfection évangélique.

 

22. Cette indifférence, à laquelle doit tenter incessamment de parvenir le fidèle Chrétien, peut s’étendre aussi aux trois points suivants :

1 - à n’importe quel emploi auquel il est affecté ;

2 - à n’importe quel lieu où il demeure ;

3 - à n'importe quel état de sa santé physique.

 

 

 

Leçon VI

Cinquième maxime

Reconnaître en soi-même son propre néant

 

1.  Le disciple de Jésus-Christ doit vivre perpétuellement dans une solitude intérieure, dans laquelle, une fois toutes les autres choses disparues, il ne retrouve que son Dieu et son âme.

 

2.  Cette solitude doit lui permettre de conserver en lui-même la présence divine pour en adorer la grandeur, tout en demeurant pénétré de sa propre infirmité et de son propre néant.

 

3.  Il doit aussi garder en l'esprit les raisons de son néant, tout d’abord, celles qui prouvent la vanité de toutes les choses, ensuite, celles qui humilient spécialement l’homme, et, en troisième lieu, celles qui humilient sa personne propre.

 

4.  Ainsi, de même qu’il n’est qu’un atome en comparaison de l’univers, il n’est pas davantage en comparaison de Dieu, de qui seul vient tout ce qu’il a reçu de bien.

La faute dans laquelle il a été conçu, l’inclination au mal qu’il porte en lui, et les péchés dont il s’éclabousse lui-même, tout ceci doit le convaincre de ces deux grandes vérités :

1 - qu'il est incapable de faire le bien de lui-même ;

2 - et que, ensuite, non seulement il est capable n'importe quel mal, mais, de plus, il est si faible que, sans le secours de la divine Miséricorde, il pourrait faillir à chaque instant.

 C'est pourquoi, selon les mots de l’Apôtre, il doit sans cesse « travailler avec crainte et tremblement à accomplir son salut » (Ph, 2, 12).

 

5.  La première de ces grandes vérités doit persuader le Chrétien de rien entreprendre ici-bas en vue d'un quelconque changement dans sa propre condition, et quel qu'en soit le but, même le meilleur selon ce que nous avons évoqué plus haut, sauf si l'on on est certain qu'est bien là la volonté de Dieu. Il ne peut donc rien entreprendre de lui-même, celui qui se croît sincèrement incapable de quelque chose de bien.

 

6.  Le Chrétien doit alors se trouver en deux dispositions, qui semblent opposées à première vue, mais qui, pourtant, se complètent harmonieusement : le zèle pour la gloire de Dieu et pour le bien de son prochain, et la conviction  qu’il est incapable de faire le bien et de porter quelque remède aux maux du monde.

 

7.  A cette fin, il lui faut imiter l’humilité de Moïse qui eut tant de mal à croire que Dieu l'avait choisi pour libérer son peuple. Aussi, avec une confiance sans borne et une affectueuse simplicité, avait-il prié Dieu de le dispenser de cette charge sous prétexte qu’il était bègue, et de lui préférer Celui qui devait être son élu, le Messie promis. Or, en dépit de ses craintes, Moïse fit preuve d'un grand zèle pour le salut de son peuple.

De même, le Chrétien doit-il méditer et prendre pour modèle la profonde humilité de la Vierge Marie, qui demeura dans une paix constante depuis son élection. C'est en effet ainsi que les Écritures nous la décrivent, retirée dans une vie humble et silencieuse, de ce silence qui n’est brisé que par la voix de Dieu, ou par un mouvement de charité, comme envers sa cousine Élisabeth. Selon la mesure du jugement humain, qui pourrait croire en effet que les divines Écritures nous disent aussi peu de la plus parfaite parmi toutes les créatures humaines? Elle n’a entrepris aucune œuvre dans sa vie, une vie que le monde dirait en inaction continuelle, et que Dieu, pourtant, déclara la plus sublime, la plus vertueuse, la plus magnanime de toutes les autres vies, une vie par laquelle une jeune fille humble et inconnue fut élevée par le Tout-Puissant à la plus grande de toutes les dignités, au siège de gloire le plus élevé, non seulement au-dessus de tous les êtres humains, mais aussi des anges !

 

8.  La seconde vérité doit provoquer en nous une crainte raisonnable des périls dont les Écritures nous disent qu’ils remplissent le monde, comme le rappelle l’apôtre Jean en nous avertissant que tout ce qui est dans le monde est dangereux.

 

9.  C’est pourquoi celui qui veut être parfait, doit pratiquer le retrait du monde, dans le silence, et l’occupation continuelle.

 

10.  Le retrait du monde, il le pratiquera en s'imposant de ne sortir de chez lui sans nécessité, c’est-à-dire  uniquement ce à quoi les devoirs de son état ou la charité envers le prochain l’engage raisonnablement.

 

11.  Il pratiquera le silence, en cherchant à ne pas prononcer de paroles vaines, c’est-à-dire de celles qui n’ont aucun intérêt pour l’édification d’autrui ou pour la sienne propre ou qui ne sont nécessaires ni pour les devoirs ni les besoins de la vie.

 

12.  Enfin, il pratiquera l’occupation continuelle, afin de n’avoir jamais à perdre le moindre instant, en pensant que le temps est infiniment précieux ; qu’irrattrapables sont les moments qui passent sans en avoir tiré profit pour le salut de l’âme ; et que de ces moments, ne serait-ce qu'une seule minute, il devra rendre compte à Dieu, comme d’un talent qui lui a été confié pour le faire fructifier ; en un mot, tout ce que requiert la pratique de la vie parfaite en vue du culte divin, auquel l’homme se voue en s'engageant à lui consacrer toutes ses forces et tout son temps.

 

 

 

Leçon VII

Sixième maxime 

Ordonner toutes les actions de sa vie avec l’esprit d’intelligence

 

 

1.  Le Chrétien ne doit jamais marcher dans les ténèbres, mais toujours dans la lumière.

 

2.  Aussi, à cette fin, doit-il, en des prières constantes, demander à l’Esprit Saint le don d'intelligence avec lequel il pourra pénétrer et comprendre les vérités sublimes de la foi ; le don de sagesse, avec laquelle il pourra juger correctement des choses divines ; le don de science au moyen de laquelle il pourra juger correctement des choses humaines ; et enfin, le don du bon conseil, avec lequelle il pourra se diriger lui-même, en appliquant les vérités connues aux œuvres particulières de sa vie.

 

3.  Le Chrétien doit faire preuve de gravité, de prudence et de maturité en toute chose : il évitera toute hâte et toute précipitation, qui sont propres à l’homme du monde et contraires aux dons cités plus haut, et qui procèdent d’une volonté humaine pleine de cette anxiété qui nous ôte la paix à laquelle nous exhorte continuellement notre divin Maître.

 

4.  L’esprit d’intelligence fera penser sans cesse à l’amendement de soi-même, avant et plus qu’à celui de son prochain. Examinons donc ce que l'on doit faire d'abord pour soi-même (I), et ce que l'on doit accorder ensuite à son prochain (II).

 

 5. A. - En ce qui concerne l’amendement et la perfection de soi, l'on reconnaîtra facilement la manifestation de la volonté divine, quelles que soient les circonstances aux quelles on se trouve confronté.

Selon ce principe, dont on peut être absolument certain, il faut  comprendre que :

 

I. La première chose voulue par Dieu est d’exercer fidèlement avec zèle et rectitude tous les devoirs de son propre état. Il convient donc d'assumer toutes les relations qui nous lient aux autres hommes avec toute la douceur, les précautions et la bienveillance que nécessitent naturellement ces relations, de telle sorte qu'aucune d'entre elles n'ait de reproche à nous faire. Et, tout en évitant, par l’amour de la retraite, de traiter avec les personnes envers lesquelles nous n’avons aucune obligation, il faut prendre soin que la conversation avec celles avec lesquelles l'on se trouve, soit exemplaire, pleine d'une sainte gentillesse et de solide édification.

 

6. Ce même principe, qui est de correspondre à l’état assigné par Dieu et de bien occuper tout son temps, nous fera aimer le travail, et quelque que soit notre profession ou notre occupation, nous devons l'accomplir avec soin. Ils nous permettront ainsi de faire des progrès, que nous regarderons comme un mérite auprès de Dieu, et comme le signe qu'il s'agit bien là de l'état où la volonté de Dieu nous a placé.

 

7. De même, si nous nous dédions aux études, nous nous y consacrerons non uniquement par amour pour ceux-ci, mais par amour pour Dieu que nous servons ainsi ; et si nous avons dans les mains un métier pratique, nous nous y consacrerons dans le même esprit. Le Chrétien ne regardera jamais un emploi comme plus noble ou plus méprisable qu’un autre, car tous servent également Dieu.

Chacun travaillera dans sa partie, comme les ouvriers ayant le même patron : chacun reçoit le même salaire à la fin de la journée, non en fonction de la qualité du travail exécuté, mais selon la fidélité, l'assiduité, le soin et l’affection dont il fait preuve envers son Maître en l’exerçant.

 

8. II.  Après les devoirs de son propre état, (et la pratique de la religion en fait partie), nous occuperons le temps qui reste en des lectures aptes à nous instruire dans la religion, et à nous fournir matière à méditer la grandeur de Dieu, sa bonté infinie, sa puissance et sa sagesse.

Le plus souvent possible, il faut tâcher de pratiquer l'oraison, même pendant l’exercice de sa profession ou de ses occupations. Cette oraison deviendra alors la chose la plus familière et la plus précieuse. Et les heures passées à exercer l'oraison se transformeront en des heures de délices et de grâce : l'homme, aussi misérable qu’il soit, sera introduit à l'instant même à l’écoute de son divin Seigneur, et admis à converser directement  avec Lui.

 

9. III. En troisième lieu, l'on peut occuper une partie de son temps aux nécessités corporelles, et la première d'entre elles, la nourriture, qui doit être sobre et non recherchée, et le sommeil, qui doit être réglé selon une juste modération.

 

10. - L'on s'accordera également un repos réglé en fonction de sa fatigue : Jésus Christ lui-même en  a donné l’exemple en faisant tout ce qui était nécessaire à sa propre subsistance et à son repos, comme il le fit par exemple en s'endormant  sur une barque ou s'asseyant au bord d'un puits en Samarie.

 

11. IV.  Enfin, en quatrième lieu, ni les circonstances de son état, ni les relations qui le lient à ses semblables ne devraient faire obstacle à l’exécution des conseils évangéliques, la pratique de la pauvreté, de la chasteté, et de l’obéissance : le Chrétien soucieux de ressembler le plus possible à son divin exemple, et de ne négliger aucune des choses recommandées par son Seigneur comme appartenant à une vie de perfection, adoptera donc ces conseils de toute son âme. Mais il les adoptera ou en totalité, ou, du moins, seulement en partie, en fonction de ce que lui permettront les circonstances.

 

12. B. Le Chrétien, comme il a été dit, ne prétend pas à faire quoique ce soit de grand par lui-même, parce qu’il s’en trouve sincèrement incapable. Il reste seulement attaché à l’exécution des seuls devoirs de son état, s’en trouve heureux, préférant même une vie retirée, autant que possible solitaire, silencieuse et cachée. Mais il n’en est pas moins sensible au bonheur ou au malheur de ses frères : il prie pour eux, il œuvre avec ardeur à leur bien, il est prompt à dépenser et sacrifier jusqu'à sa propre personne pour leur salut spirituel. Mais il doit garder à l'esprit que ce qu’il fait pour eux, il ne le fait pas imprudemment de sa propre volonté, mais parce que c’est Dieu qui veut à travers lui.

 

13. Et c'est l’esprit d’intelligence qui doit l'amener à connaître la volonté de Dieu pour les services qu’il doit rendre à ses frères.

 

14. Car l'esprit d’intelligence lui montre qu'en la charité qu’il doit exercer envers ses frères, se manifeste avant tout la volonté de Dieu, et de la façon la plus ordinaire à travers les circonstances extérieures.

 

15. - Et ces circonstances, qui permettent de savoir quels sont les actes de charité il est appelé à exercer envers son prochain, sont les suivantes :

I.  lorsqu'il les besoins de son prochain se manifestent à lui de la façon la plus évidente, comme le dit si clairement saint Jean : « Si quelqu’un, jouissant des biens de ce monde, voit son frère dans la nécessité et lui ferme les entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui ? » ( I Jn, 3, 17).

II.  lorsque son prochain lui-même lui fait la demande de n'importe quel service charitable, comme le dit notre divin Maître : «  Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt, 5, 48), nous rappelant ailleurs que notre Père céleste nous donne tout ce que nous demandons en son nom. Aussi, le Chrétien donne-t-il tout ce qu’il peut donner, quand le prochain le lui demande et s’il veut être parfait comme est parfait le Père céleste.

 

16. - De plus, afin de bien pouvoir assumer l’œuvre de charité qui lui est ainsi demandée, il doit s’y prêter joyeusement et avec courage, s’il veut correspondre à la vocation de la vie parfaite dans la charité, et cela, au prix même de sa propre incommodité et de sacrifices, ou, autrement dit, avec tout cet amour fervent qui ne recherche son propre avantage ni ne pense à ses propres affaires mais toujours à celles d’autrui. Car c'est la  charité qu’a exercé le divin Maître envers les hommes, en faisant preuve d'une perfection sans limite en délicatesse humaine, jusqu’à donner son sang, ce sang versé sur le calvaire.

 

17. - Mais il arrive parfois que l’humble et fervent Chrétien, qui, de lui-même, a préféré une vie cachée, retirée des périls et des hommes, vouée à une perpétuelle contemplation, et partagée entre les nombreuses oraisons, l’étude ou l’exercice de quelque profession, les nécessités de la vie ou quelques instants de repos, il arrive donc que les forces de la charité  tirent cet homme de son retrait, qu’il aimait non par inertie, mais par une sincère humilité. Pour le bien de son prochain, le voici alors confronté à la vie active, immergé, selon la volonté divine, dans un océan sans fin de soucis, de tracas, d’affaires et d’actes de toute sorte, petits ou grands, modestes ou glorieux, dans l'ordre selon lequel Dieu les a disposés devant lui.

 

 18.  Avec cet esprit d’intelligence, le Chrétien plein de charité parvient, selon les circonstances, à se surpasser, en embrasant de grandes choses, pénibles ou périlleuses, ou tout à la fois, à la condition que Dieu lui fasse sentir intérieurement qu’il en a la capacité, et que ses supérieurs  ne le lui interdisent pas ou que son prochain, dans lequel il reconnaît toujours son divin Seigneur, le lui demande tacitement ou expressément.

 

19. Ajoutons  que le Chrétien qui aime la perfection, embrasse ces œuvres de charité sans avoir de préférence pour l’une plutôt que pour l’autre.

 

20.  Il conservera alors pour cela les trois règles suivantes :

 

I.  Il embrassera les œuvres de charité qui lui sont expressément demandées par son prochain, sans en attendre d'autres ultérieures et incertaines, et sans jamais les refuser, quelles qu’elles soient, petites ou grandes, agréables ou ennuyeuses et pouvant être accomplies par n'importe qui ou par lui seul.

 

II.  Si, au même moment, il lui est demandé davantage d’œuvres de charité qu’il ne peut embrasser simultanément, qu’il opère alors un  choix selon l’ordre de la charité, ayant toujours à l’esprit de n’assumer que celles qui sont proportionnées à ses forces.

 

III.  Enfin, il ne se fatiguera ou ne se lassera d'aucune œuvre de charité ; s’il le peut, il les conduira toutes à leur terme, et si celles-ci requièrent une occupation continue, il persévèrera, sans rien entreprendre de nouveau, restant fidèle à l'œuvre déjà engagée comme étant sa propre vocation.

 

21.  La volonté de Dieu se manifeste par les circonstances externes, ce qui est le moyen le plus ordinaire. Elle peut aussi se manifester par des inspirations intérieures. Mais ces inspirations ne seront jamais en conflit avec les circonstances externes.

 

22.  Le Chrétien, sans se mettre en contradiction avec la conscience de son propre néant, peut donc accepter des tâches différentes de celles qui sont liées à son état, poussé par l'intervention intérieure de l’Esprit Saint, qui est le médiateur à travers lequel se manifeste en toute clarté la volonté divine.

 

23.  Cependant, il convient de s'assurer de semblables inspirations, et d'examiner avec rigueur les secrets de son cœur, afin que ne s'y mêle les voix de l’amour propre et les ruses du démon, qui sait se transformer parfois en un ange de lumière ; de plus, il ne sera pas superflu que ces inspirations se voient confirmées par ses supérieurs spirituels.

 

24.  Il y a, enfin, une règle générale et infaillible pour prouver la divine volonté, qui se manifeste soit par les signes des circonstances externes, soit par les inspirations intérieures : c'est la paix et la tranquillité que goûte le Chrétien dans les profondeurs de sa conscience. Il doit alors se concentrer en lui-même, et examiner avec soin s’il ressent quelque inquiétude. Et, s'il y veille attentivement, c'est là qu'il trouvera les signes de sa condition. L’amour propre et toute fin humaine de quelque nature qu'elle soit, provoquent toujours en l’homme d'inévitables troubles. Et, connaissant ces perturbations de sa conscience, il lui faut en découvrir la cause, pour distinguer ce qui  procède du pur esprit de Dieu, et qui est un esprit de parfaite tranquillité, ou ce qui vient de lui-même, et qui est le fruit d'une sensibilité ou d'un orgueil non encore rabaissé, c'est-à-dire, en un mot, d’une ruse de l’ennemi.

 

25.  Et c'est ainsi que si les Chrétiens pratiquaient tout ce que leur a enseigné leur divin Maître, ils formeraient ensemble une société pacifique et heureuse, et goûteraient dans la vie présente à ce bonheur promis dans une vie future.

 

 

 

APPENDICE

 

De la vie Chrétienne en quatre points :

 

Accomplir  avec diligence les obligations de son propre état.

 

Supporter volontiers les tribulations intérieures et extérieures que Dieu nous envoie, quelque en soit la manière.

 

Taire les défauts du prochain, les outrages infligés, tout ce qui tourne en louange propre ou en notoriété, et toute parole inutile.

 

Prier Dieu notre Père céleste sans relâche : dans les soucis, dans les tentations, au début comme à la fin de notre labeur, invoquer Jésus et Marie, demander toute grâce en leur nom, et particulièrement l’augmentation de la foi, de l’espérance et de la charité pour soi et pour tous les autres.

 

 

 

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© Centre français de spiritualité rosminienne



[1] Cette traduction est tirée de l'opuscule : Antonio Rosmini, Massime di perfezione cristiana  comuni a tutti i cristiani, a cura di Alfeo Valle, Città Nuova Editrice, Roma, 1981, tirée du vol. 49 des éditions critique des œuvres complètes, Centro Internazionale di Studi Rosminiani - Stresa,  Città Nuova Editrice - Rome, 1976.

La traduction française des textes bibliques provient de la Bible de Jérusalem, CERF, Paris, 1986.

Il existe cependant une traduction bien antérieure à la nôtre, celle de César Tondini De Quarenghi, Barnabite, Larcher, Paris 1882, augmenté d'une préface du traducteur, et accompagnée de la traduction du Magnificat de Rosmini. Tondini, spécialiste de l'Église russe, mais qui connut de très près l'ordre fondé par Rosmini,  classe ce dernier parmi les grands maîtres de la vie spirituelle, et s'exprime en ces termes à propos des Maximes : " La piété est, trop généralement, considérée comme chose à laisser aux faibles d'esprit. Il est, donc, fort utile de faire connaître ce qu'en pensait un des esprits les plus puissants de notre siècle" (p. IV). "Les Maximes, souligne-t-il plus loin, demandent à être lues posément ; plutôt méditées que lues. Il est, surtout, important qu'on ne détache point ce qui précède de ce qui suit, et vice versa".

Nous remercions le professeur Pier Paolo Ottonello d'avoir bien voulu relire et vérifier attentivement cette traduction.

 

 

 

[2] Alfeo Valle, dans la note 1 de la page 264, indique que les Maximes, comme toute l'œuvre de Rosmini, furent rééditées de nombreuses fois par l'auteur lui-même, la première en 1830, sous le titre : Massime di perfezione cristiana adatte ad ogni condizione de persone (lit. : adaptée à toute personne de n'importe quelle condition) chez Salviucci, à Rome. En 1840, Rosmini fait disparaître la formule adate.… et précise : "Maximes adaptées à ceux qui vivent en communauté, comme à ceux qui vivent en dehors, et qui n'ont pas prononcé de vœux".  En 1964, les éditions Paoline publient sous le titre : Massime… comuni a tutti i cristiani, sans doute pour adapter le style à l'italien moderne. L'intention de Rosmini était de destiner son opuscule à l'Institut de la Charité qu'il venait de fonder, mais, selon les exigences de son sacerdoce, il décida, comme il l'indique lui-même, de l'étendre plus largement.

L'édition de 1976 reprend celle de 1840, (Pogliani, Milano),  dans le volume 49 de l'Ascetica.

Dans la préface de l'opuscule des Massime, édition 1981, Alfeo Valle présente l'œuvre comme le "texte fondamental de l'ascétique rosminienne", en raison de "la densité des concepts, de leur équilibre parfait et de leur logique implacable". A l'âge de 24 ans, tout juste ordonné prêtre, nous dit encore A.V., Rosmini se retire dans la maison familiale pour se recueillir dans l'étude et la prière, et jeter les bases des grands principes de conduite qui dirigeront sa spiritualité et sa vie et que proposent ces Maximes en 7 leçons.

[3] Notre-Père

[4] Je vous salue, Marie