Maximes de Perfection Chrétienne

communes à tous les Chrétiens

 

 

Leçon II

Première maxime

Désirer uniquement et infiniment plaire à Dieu, c'est-à-dire être juste

 

 

1. Celui qui aime Dieu comme le prescrit l’Évangile, c'est-à-dire « de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit », ne pouvant donner nul bien à Dieu, parce que Dieu les a tous, désirera au moins être juste envers lui, en reconnaissant Sa perfection infinie, et en lui témoignant, en tous ses actes, le plus d'obéissance, de soumission et d'adoration possible : en autre terme, il désirera uniquement et infiniment la gloire de Dieu.

Et parce que la sainteté de l’homme consiste en le respect qu'on éprouve pour Dieu et la gloire qu'on lui rend, la  perfection du christianisme implique la disposition à obtenir la plus grande sainteté possible.

 

2. Le plus grand hommage que l’homme puisse rendre à Dieu consiste en la soumission de sa propre volonté à la Sienne, dans l'unique désir de la meilleure conformité possible de son vouloir propre au vouloir Divin. Dès lors, l’homme est disposé immédiatement à préférer tout ce qui plait à Dieu à tout autre chose, n’aimant rien d’autre que de Lui être le plus cher ; c’est là l’unique bien qu’il sollicite à chaque instant.

 

3. Et comme ce qui est cher à Dieu est la justice, il convient que le Chrétien demande incessamment d'être toujours plus juste et toujours meilleur. De cette justice, il sera insatiable et insatisfait, et plus il l'implorera, plus il aura la certitude d’être ainsi encore plus cher à Dieu, assuré de trouver le réconfort dans ces mots : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés » (Mt. 5, 6).

Tout doit se ramener en effet, pour celui qui professe la religion Chrétienne, à cet unique désir  : devenir toujours plus juste et pratiquer cette justice sans mesure et sans limite ; ainsi, il sera un avec Jésus, comme Jésus est un avec son Père.

Qu’il soit donc insatiable, sans jamais craindre de l’être trop. Qu'il lui suffise, pour être comblé, de penser à l’infinie bonté du divin Père, et à Ses innombrables et plus qu’inépuisables richesses spirituelles. Dieu saura toujours comment les lui accorder, et cela, d’autant plus que l’homme en sera insatiable. Jésus s'en est porté garant : « Ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera» (Jn, 16, 23).

Et Jésus nous y incite par cet exemple : quelle que soit cette justice que l’on demande au Père, le Christ l’a déjà sollicitée pour lui-même, dans une prière qui ne pouvait pas ne pas être exaucée et c'est sur la justice obtenue par cette prière que le Christ a fondé son Église, laquelle ne peut périr.

 

4. Et voici la prière de Jésus, qui encourage le disciple qui désire devenir plus juste, à supplier le Père  : «  Je ne te prie pas seulement pour eux (il désignait ses disciples les Apôtres), mais pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi : afin que tous soient un comme Toi, Père, tu es en moi et moi en toi, et afin qu’eux aussi soient en nous pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la certitude glorieuse que tu m’as donnée afin qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi, afin qu’il soient parfaits dans l’unité et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn, 17, 20-23).

 

5. Il se peut alors que le disciple qui désire tant la justice se consume dans la charité, de telle sorte que, comme le dit Paul, «  ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga, 2, 19).

 

6. Mais ce désir de justice, sans mesure et sans limite, doit demeurer le plus pur et le plus simple, et, pour l'obtenir, l'on doit se concentrer en soi intensément et sans cesse, en soustrayant son esprit de toutes les choses extérieures. Et ainsi concentré en soi-même, l'on doit inlassablement demander la même chose, en se souvenant de ces paroles : « Veillez donc et priez en tout temps » (Lc, 21, 36).

L'on entretient cette tension de l'esprit en examinant inlassablement  si ce désir est vraiment simple et sincère, afin de ne rien aimer d’autre que d’être meilleur et plus juste, et donc plus cher à Dieu.

 

7. De plus, le Chrétien n’a nul besoin de se troubler ou encore de s’appesantir sur les choses extérieures qui retentissent en lui. Il doit seulement s’appliquer à se concentrer en son cœur afin d'entretenir sans relâche le désir d’une justice toute pure, jusqu’à parvenir à ne rien vouloir d'autre sur la terre qui ne soit dans l’ordre de la justice, ce qui est le plus précieux à Dieu.

 

8. Pour parvenir à cette fin, il faut comprendre, et ce n’est guère facile, comment à ce désir de justice pure, tous les autres doivent être subordonnés. Et puisque le libre désir d’une chose quelconque doit uniquement répondre à ce critère, l’on ne peut avoir de désir pour une chose quelconque que si cette chose est conforme en tout point à la justice et rend plus juste, et non si cette chose a une autre valeur.

 

9. Et puisque la justice parfaite provient immédiatement de Dieu, et non d'autre que Lui, l’on ne doit éprouver de l’attrait pour aucune chose que celle dont on sait qu’elle est le moyen choisi par Dieu pour sa sanctification. Il faut se méfier en effet, et peu en sont capables, de ce sur quoi portent nos attraits secrets. Au contraire, l’on doit être assuré que toute chose dans la main de Dieu devient un  instrument ordonné à sa fin. C’est que le Seigneur se plaît souvent à montrer sa puissance en adaptant tel instrument à sa fin, et cela, même en ce qui, par nature, nous paraîtrait le moins adapté. C’est pourquoi l’homme ne doit juger de rien, avant que Dieu lui ait manifesté sa volonté en sa manière de disposer des choses humaines.

 

10. Pour conclure, celui qui désire infiniment plaire à Dieu, désirera les vrais biens, puisque pour Lui être cher, il est nécessaire qu’il les désire. Car, en un tel désir, se rassemblent tous les biens désirables possibles. Et, de plus, celui qui éprouve un si grand désir désirera implicitement le salut de tous ses frères de cette façon qui est si chère à Dieu, et qui est tout autant voulue par Lui.

 

 

Traduit de l’italien par Marie-Catherine Bergey Trigeaud

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